Portrait d'Héléna Gayral

26 août 1994
02m 08s
Réf. 00317

Notice

Résumé :

Rencontre avec la rejoneadora Héléna Gayral sur son domaine "El Cortijo", à Mées. Passionnée de tauromachie depuis le plus jeune âge, c'est en Espagne et au Portugal qu'elle apprend à toréer à cheval, dans un milieu traditionnellement masculin. De retour en France à la fin des années 1980, elle participe à de nombreuses corridas avant de recevoir, en 1993 à Dax, l'alternative.

Date de diffusion :
26 août 1994
Source :
Personnalité(s) :

Éclairage

Il n'a jamais été facile pour les femmes de participer en tant qu'actrices aux spectacles taurins. Devenir torera, novillera, picadora ou rejoneadora s'est toujours révélé une tâche complexe. L'une des premières qui osa rivaliser avec les hommes, à la fin du XVIIIe siècle, s'appelait Nicolasa Escamilla, dite "La Pajuelera". Un après-midi, dans les arènes de Zaragoza, elle piqua et toréa un taureau sous les yeux de Francisco de Goya, qui l'immortalisa dans l'une des gravures de sa Tauromachie (Valor Varonil de la celebre Pajuelera en la plaza de Zaragoza).

Au XXe siècle, la situation fut encore plus délicate pour elles, en raison des interdictions de toréer à pied qui leur furent faites sous différents régimes, et ce jusqu'en 1974. C'est donc naturellement à cheval qu'elles purent donner libre cours à leur passion. La plus célèbre de ces rejoneadoras fut sans conteste Conchita Cintrón (1922-2009), "la déesse blonde", qui triompha dans toutes les arènes d'Amérique latine et du Mexique entre 1936 et 1945, puis d'Espagne et de France jusqu'en 1950. On peut noter qu'une française, à la même époque, pratiquait également cet art du rejoneo, la gardianne Emma Calais.

A leur suite, dans les années 1950-1970, nombre de leurs congénères vont embrasser la même carrière. On peut citer une autre française, Pierrette Le Bourdiec dite "la Princesa de Paris", les colombiennes Amina Assis et Ana Beatriz Cuchet, la brésilienne Lolita Muñoz, la portugaise Gina María, et les espagnoles comme Antoñita Linares, Paquita Rocamora, ou encore les sœurs Carmen et Rosario Dorado.

La génération suivante va voir plusieurs françaises fouler avec leurs chevaux le sable des arènes. La plus connue, sans doute, reste "María Sara" (Marie Sara Leconte Bourseiller), qui prit l'alternative en 1991 à Nîmes des mains de la grande Conchita Cintrón, alors septuagénaire. Deux ans plus tard, le 14 août 1993, une cérémonie semblable se déroulait à Dax pour introniser Héléna Gayral.

Destinée dans un premier temps à l'enseignement, mais ayant la passion taurine dans le sang, Héléna Gayral part au début des années 1980 à Séville où elle reçoit, peu avant qu'il ne décède tragiquement, les conseils du grand matador Paquirri. Après avoir abandonné ses rêves de devenir matador à pied et avoir été initiée au dressage des chevaux au contact de Rafael Jurado, elle devient rejoneadora à partir de 1987 et jusqu'en 2000, toréant au Portugal, en Espagne et enfin en France, où elle triomphe. A l'issue de sa carrière taurine, elle ouvre à Mées, près de Dax, un domaine avec écuries, manège et arènes, "El Cortijo", dédié au dressage des chevaux.

François Bordes

Transcription

Présentatrice
Pour terminer ce journal avec Eléna Gayral. Une des rares femmes qui affronte les taureaux lors des corridas, portrait Anne Brizulier, Cyril Lemiesle.
Anne Brizulier
Elle, c’est Eléna. Lui, Léon. Entre la jeune femme et le taureau, les relations sont privilégiées. Histoire exceptionnelle qui ne fait pas oublier les risques.
Eléna Gayral
Je suis pas un casse-cou, du tout, du tout. Et les risques que je prends en général, j’essaye de les calculer mais je crois que ma passion peut s’expliquer par la fascination du taureau. J’ai besoin d’être en contact avec cet animal.
Anne Brizulier
Son enfance est bercée par l’ambiance des corridas. L’Espagne puis le Portugal vont l’adopter, elle y travaillera la tauromachie à pied puis à cheval. Elle osera participer aux corridas portugaises dans ces pays où la tradition équestre et taurine est réservée aux hommes.
Eléna Gayral
Il y a une certaine curiosité en fait au niveau du public. Euh, d’abord pour voir une femme face, dans une arène mais ensuite ils oublient vite en fait qu’on est, qu’on est une femme et ils nous exigent autant qu’ils exigent aux hommes.
Anne Brizulier
Des hommes qui l’acceptent avant tout pour ses qualités professionnelles.
Eléna Gayral
A partir du moment où vous toréez avec des hommes et puis qu’on tire les taureaux au sort, c’est-à dire qu’il y a pas de favoritisme, en fait on peut appeler ça du favoritisme, on est bien acceptée.
Anne Brizulier
Vraiment ?
Eléna Gayral
Vraiment.
Anne Brizulier
Depuis 1989, Elèna torée dans les principales férias françaises. L’an passé à Dax, elle reçoit l’Alternative, consécration dans sa carrière. Elle fait désormais partie des rares femmes au monde qui torée à cheval.
Eléna Gayral
Tout le monde a sa place, chacune a ses partisans, chacune a sa façon d’interpréter la tauromachie, de toréer, de voir les choses comme des toreros masculins. Mais souvent, on a, on a tendance à nous comparer entre nous. Ça, ça ne fait pas toujours plaisir, c’est vrai.
Anne Brizulier
Six heures par jour de travail pendant trois ou quatre ans conduiront le cheval dans l’arène. Avant le combat, Eléna s’isolera, refera la faena idéale, aura pour compagne la peur avec laquelle il faut vivre. Et puis il y aura l’affrontement entre le cavalier, complice de sa monture et le taureau. La passion enfin assouvie.