Labastide-d'Armagnac

29 août 1995
03m 50s
Réf. 00584

Notice

Résumé :

Reportage consacré à Labastide-d'Armagnac, bastide fondée en 1291 et dont la place royale a inspiré la place des Vosges à Paris. Ici, le temple des bastides retrace l'histoire des bastides en Gascogne.

Type de média :
Date de diffusion :
29 août 1995
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Éclairage

Commune initialement située dans le Gers et rattachée aux Landes en 1850, Labastide-d'Armagnac, n'est pas vraiment un village neuf, créé ex nihilo. La découverte, en 1959, des vestiges d'une riche villa gallo-romaine au quartier de Géou le prouve. C'est en effet là que s'opère, après la longue nuit du Haut Moyen Âge, une renaissance autour d'un château et d'une petite chapelle [1] dont le vicomte de Juliac aurait fait don à l'abbaye de La Sauve Majeure en 1138.

Par la suite, Bernard VI d'Armagnac et Édouard Ier d'Angleterre, fondent, par un acte de paréage [2] daté de 1291, une nouvelle bastida, dans un programme plus général d'implantation - entre 1230 et 1330 - de quelque 300 bourgs fortifiés dans l'Aquitaine anglaise [3]. Et cette nouvelle fondation s'appelle d'abord Bolonia (Bastida de Boloygne, en 1305, dans les Rôles gascons), puis Villefranche, et enfin Labastide, tout simplement... Deux petites agglomérations coexistent donc pendant quelques décennies avant qu'une troupe du Prince noir [4] ne détruise Géou en 1335.

Reste donc ici la bastida [5] qui ne représente pas seulement un bourg fortifié organisé selon un plan orthogonal, enserrant une place centrale sur laquelle s'ouvre l'église, mais qui renvoie aussi - selon les textes du XIIIe siècle - à une organisation juridique spécifique d'un terroir [6].

Nous sommes au cœur de l'Armagnac, un ancien comté qui englobait le Fezensac, l'Eauzan et la Lomagne ; un pays de collines mollassiques où les sols de "boulbène" ou de "terrefort" donnent des teintes d'ocre à la terre. Ce "pays" à la ruralité certaine, est bien souvent associé à la Gascogne gersoise. Mais la Gascogne, et l'Armagnac a fortiori, ce n'est pas seulement le Gers ; c'est aussi un ensemble de terroirs situés à l'est du département des Landes, connus sous l'appellation d'"Armagnac noir" ou "Bas-Armagnac", englobant notamment les communes d'Arthez, Betbezer, Créon, Labastide, Mauvezin et Saint-Julien, toutes bastidas de confins.

Nous sommes aussi en terre protestante [7] et Labastide-d'Armagnac est, de ce fait, doté d'un temple, une belle maison édifiée en 1607, dévolue à ce culte jusqu'en 1685. Car une grande partie de la Gascogne est sous l'influence des Albret et Marguerite de Navarre, qui séjourne souvent à Mont-de-Marsan, ouverte aux idées nouvelles, influence bon nombre de notables et religieux de la région, parmi lesquels Charles de Castelnau-Tursan à Geaune, Jehan de Mesmes à Mont-de-Marsan, le sire de Lucbardez et le seigneur de Benquet. Jeanne d'Albret, sa fille, s'implique à son tour dans ce mouvement et autorise, en 1561, le calvinisme dans son royaume de Navarre et dans son propre duché qui recouvre une partie du futur département des Landes.

À Labastide, c'est le pasteur protestant Grenet qui évangélise la cité et sa voisine Saint-Justin qui voient s'affronter pendant 36 ans, au cours de huit guerres successives, les protestants de Montgomery et les catholiques de Montluc. Ce dernier s'empare d'ailleurs du bourg en 1562, incendiant le premier lieu de culte alors situé intra muros, rue du Portail ; pendant des années, les fidèles se rassemblent chez des particuliers avant la construction extra muros d'un nouveau temple, neuf ans après la promulgation de l'édit de Nantes ou édit de tolérance, signé le 13 avril 1598 par Henri IV.

Un lieu chargé d'histoire donc qui tombe en déshérence depuis sa fermeture en 1685 [8] jusqu'à son rachat et sa réhabilitation par la municipalité en 1980. Le centre d'Études des Bastides (CEB), fondé en 1983, encourage alors le projet de création d'un espace culturel dans la belle bâtisse rénovée ; sur le terrain avec des architectes, des élus, des universitaires, il promeut, au niveau national et international, ce pan du patrimoine médiéval, ce qui passe par la relecture des archives, la mise à jour de publications et l'ouverture d'espaces pédagogiques.

Ouvert au début des années 1990, le musée des bastides doit fermer six ans plus tard, faute de crédits, mais suite à la mobilisation des habitants, il ouvre à nouveau ses portes en 2004 et, depuis 2007, on peut y découvrir des expositions temporaires organisées sous l'égide de l'association des Amis du temple des bastides.

[1] Un édifice datant du Xe siècle, réalisé en "petit appareil" avec le matériau tiré des ruines de la villa voisine. Transformée au début des années 1960 par l'abbé Joseph Massie en temple de la petite reine, la modeste chapelle est connue sous le nom de Notre-Dame-des-Cyclistes.

[2] Issu du latin pariagium, le paréage est un contrat de droit féodal d'association entre deux ou plusieurs seigneurs, leur assurant une égalité de droits et une possession en indivision sur une même terre.

[3] La soudaineté de l'apparition de cette forme urbaine (300 bastides recensées par le Centre d'étude des bastides) dans un territoire aussi restreint est un phénomène tout à fait remarquable qui ne cesse d'ailleurs d'étonner les historiens.

[4] Édouard Plantagenêt (Woodstock, 15 juin 1330 – Westminster, 8 juin 1376), prince de Galles, comte de Chester, duc de Cornouailles et prince d'Aquitaine. Ce sobriquet n'apparaît qu'en 1568 dans Chronicle of England de Richard Grafton.

[5] Le verbe pan-occitan bastir, dont bastida est dérivé, vient du francique *bastjan, "tresser", c'est-à-dire initialement "construire des fortifications tressées à l'aide de poteaux autour d'un château".

[6] Le spécialiste des bastides, Benoît Cursente a par ailleurs mis en lumière le fait que les toponymes "bastide" ne sont donc pas tous des villages particuliers et que, inversement, certains castrum, sauveté, villeneuve, villefranche ou castelnau peuvent être des bastides. Plus récemment, prenant en compte les interactions entre économie, terroir et juridiction, Michel Coste a développé la thèse de la concomitance du développement des bastides et du vignoble dans le Sud-Ouest.

[7] Le protestantisme ou religion réformée pénètre en France grâce à Jean Calvin (1509-1564) qui publie un exposé des idées de Luther dans "L'Institution de la Religion chrétienne" (1536). À leur apogée, les églises réformées rassemblent 15 à 20 % des Français.

[8] Date de la révocation de l'édit de tolérance par Louis XIV.

Bibliographie :

- BERNARD, Gilles, L'aventure des bastides, Toulouse : éditions Privat, 1998, 155 pages.

- COSTE, Michel, Afin de planter les vigne : essai sur la floraison des bastides et autres petites villes médiévales du bassin aquitain : XIIIe-XIVe siècles, Toulouse : Université de Toulouse-Le Mirail, 2006.

- CURSENTE, Benoît, Des maisons et des hommes, la Gascogne médiévale (XIe-XVe siècle), Toulouse : Presses universitaires du Mirail, 1998, 605 pages.

- DUBOURG, Jacques, Histoire des bastides d'Aquitaine, Bordeaux : éditions Sud-Ouest, 1991.

- MALEBRANCHE, Raymond et NESPOULOUS, Jean-Louis, Bastides, villes nouvelles du Moyen Age, Toulouse : éditions Milan, 1991, 320 pages.

Bénédicte Boyrie-Fénié

Transcription

Eric Lopez
Dernière étape maintenant avant de conclure ce festival dans les Landes, nous arrivons à la bastide d’Armagnac.
(Musique)
Eric Lopez
Comme la plupart des bastides, la bastide d’Armagnac date du XIIIe siècle, très exactement de 1291. La bastide d’Armagnac, avec son église, ses arcades et sa place royale qui inspira aux architectes la Place des Vosges à Paris, architectes envoyés sur place par Henri IV, qui séjournait souvent ici.
(Musique)
Eric Lopez
L’église mérite un petit détour, l’importante tour fortifiée servait tout à la fois de porche d’entrée, de clocher et de donjon. Depuis sa construction au XIIIe siècle, l’église a été souvent remaniée, l’édifice datant du XVe. Depuis hier en Aquitaine, nous allons de bastide en bastide, et pour ceux qui aimeraient en savoir plus sur ce phénomène unique, ce plan d’occupation des sols, ou cette architecture typique du Moyen-Âge, voici le Temple des Bastides. Le premier musée exclusivement consacré aux bastides du sud-ouest. Un musée à visiter à la Bastide d’Armagnac.
(Musique)
Régine Ferré
Depuis trois ans, le Temple abrite une exposition muséographique entièrement consacrée aux phénomènes des bastides, ces villes nouvelles du Moyen-âge. Nous avons dans cette exposition deux niveaux de visite. Au rez-de-chaussée, vous avez un déambulatoire qui représente l’espace d’une bastide, au niveau architectural. Donc, c’est un volume qui est un petit peu sévère, dirons-nous, mais ça représente véritablement la manière dont étaient construites les bastides ; qui chez nous est représentée par une maquette de la bastide d’Armagnac datant du XVIIIe siècle.
(Musique)
Régine Ferré
Au premier étage, vous pourrez suivre une visite audioguidée qui vous racontera l’histoire de ces bastides créées au Moyen Âge, de leur aventure qui dura 150 ans, de 1220 à 1375. Pendant ces 150 ans, 500 villes nouvelles furent créées en Gascogne.
(Musique)
Régine Ferré
La création de cette structure aura répondu à deux besoins. D’une part, un besoin au niveau de la population de notre bastide qui était très fière de son patrimoine et qui voulait faire découvrir cette histoire. Et ensuite, un engouement justement pour les bastides et pour leur histoire, et donc, on a souhaité créer cette structure.
(Musique)