Les Castors Landais

20 février 2002
06m
Réf. 00418

Notice

Résumé :

Initiée par Charles Lamarque-Cando, alors député des Landes, la coopérative de construction Les Castors Landais permet aux familles de condition modeste d'accéder à la propriété de pavillons individuels à loyer modéré, dès le début des années 1950. Un demi siècle plus tard, Les Castors Landais construisent toujours, tout en s'adaptant aux besoins des nouvelles générations.

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Date de diffusion :
20 février 2002
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Éclairage

La décennie qui suit la fin de la Seconde Guerre mondiale est marquée, en France, par une natalité forte, phénomène plus connu sous l'appellation de baby-boom. Ce fait, conjugué aux destructions subies par bon nombre de villes, à l'exode rural, et à la vétusté d'une grande partie du parc immobilier dépourvu de tout confort, explique que l'une des préoccupations majeures de tous les décideurs soit la reconstruction. Ce n'est donc pas le hasard si, en 1952, Bouygues fonde une société de travaux publics dont on sait quel sera le destin et si, le 14 octobre de la même année, on inaugure à Marseille, la "cité radieuse" conçue par l'architecte Le Corbusier [1].

En ce début des années 1950, partout la question du logement se pose et devient une priorité. À Mont-de-Marsan, Charles Lamarque-Cando, maire de la ville de 1962 à 1983, n'est pas en reste et n'a de cesse d'améliorer la qualité de vie de ses administrés. Né, selon ses propres termes, "dans une famille humble et de vieille tradition républicaine", il est animé d'une philosophie sociale qui le mène à concevoir un programme original visant à ce que "le travailleur puisse accéder à la propriété au moindre prix". Ce projet prend la forme d'une coopérative de construction de maisons familiales, Les Castors Landais. L'emblème est bien choisi : le castor est un animal indépendant, lié aux milieux humides, qui construit lui-même son gîte, quitte à détourner par l'édification de barrages de branches le lit d'un cours d'eau.

Ainsi, dès 1953, évitant les "barres" de plusieurs étages si prisées à cette époque, émerge, à Saint-Pierre-du-Mont, commune limitrophe de la préfecture, tout un îlot de maisons-témoins, aux dimensions confortables, rationnelles, construites sur un plan identique. Une vraie révolution, au sens strict du terme, en cette période que l'on peut considérer comme un tournant économique majeur. Le succès ne se fait pas attendre et bientôt se construit au nord-ouest de Mont-de-Marsan le quartier Barbe d'or, dans le prolongement d'une parcelle nommée Bourg neuf , de bon augure : 500 maisons, une ville dans la ville, avec une église à l'architecture innovante, un centre commercial, des terrains de sport, un lycée et un centre culturel : une réussite mise en exergue par les chiffres qui annoncent aujourd'hui 3000 "castors" dans l'agglomération, abritant quelque 10 000 personnes, soit le tiers de la population montoise. On comprend dès lors que ce petit pavillon de ville "appartienne au patrimoine architectural et social de la cité".

Ce mode d'accession à la propriété était et demeure adapté à la population majoritaire locale : des classes moyennes employées essentiellement dans le secteur tertiaire. Aussi le "castor" a-t-il séduit d'autres municipalités au même profil socio-économique.

Si, à Mont-de-Marsan, les constructions de Barbe d'Or et celles de la dernière génération, établies à la périphérie, "relookés", adaptées aux besoins d'une clientèle jeune, comptent désormais 10 000 âmes - soit 30 % de la population totale - ce sont 6000 maisons individuelles qui se comptent dans l'ensemble du département aujourd'hui.

Le 20 mai 2011, le journal Sud-Ouest consacrait précisément un article au succès rencontré par un nouveau projet de l'agglomération montoise, au lieu-dit Biscarosse. Le principe est immuable : la "coop" des "Castors" s'occupe de la gestion de l'opération en amont ; chaque famille choisit un lot via une société civile immobilière dont le capital est détenu par la coopérative, mais aussi par l'amicale des Castors Landais, association loi 1901, créée en 1970 pour venir en aide aux ménages en difficulté.

Plus qu'aménager, entrer dans une maison de ce type, c'est aussi adhérer à une vaste famille où la solidarité n'est pas un vain mot. En effet, 58 ans après la pose de la première pierre à Saint-Pierre-du-Mont, derrière la construction des "castors" landais, transparaît toujours en filigrane la démarche sociale et humaniste de Charles Lamarque-Cando, disparu en 1989.

[1] Charles-Édouard Jeannerte-Gris, dit Le Corbusier (1887-1965) est un architecte et urbaniste qui bouleverse, après la guerre, le concept de l'habitat collectif. Il est l'inventeur de l'Unité d'habitation, un concept qui prévoit, dans un même ensemble, tous les équipements collectifs nécessaires à la vie.

Bénédicte Boyrie-Fénié

Transcription

Ludivine Tachon
Bonsoir, Aquitaine Première vous propose ce soir de revenir sur l’histoire des Castors Landais. Il y a 50 ans Charles Lamarque-Cando permettait aux foyers montois de devenir propriétaires de petits pavillons de ville. Ils appartiennent aujourd’hui au patrimoine architectural mais aussi social de la préfecture landaise, une véritable innovation dans le domaine du logement qui perdure encore aujourd’hui. Trouver un logement à Mont-de-Marsan dans les années 50 n’était pas une mince affaire. Peu à peu les Landais ont quitté la forêt dans l’espoir de trouver une meilleure situation en ville. Mont-de-Marsan connait alors une véritable crise du logement.
Henri Dubic
En raison de la pénurie des logements qui existait à l’époque, il était absolument impossible de trouver un loyer et dans les familles, deux sinon trois générations vivaient en même temps sous le même toit et dans des conditions d’ailleurs assez difficiles. Souvent il n’y avait pas par exemple d’adduction d’eau, il n’y avait pas de sanitaires, et cetera.
Ludivine Tachon
C’est en 1952 que Charles Lamarque-Cando, alors député des Landes, va véritablement transformer la vie de nombreux foyers montois. Refusant la mode des grands ensembles collectifs type HLM, il dépose les premiers statuts d’une coopérative de constructeurs. Les Castors Landais voient alors le jour dans une véritable philosophie sociale et familiale. Les collaborateurs de Lamarque-Cando se souviennent d’un homme humaniste qui sera maire de Mont-de-Marsan pendant 21 ans.
Maïthé Berthod
Cette philosophie n’a pas changé. Elle existe depuis 1952 et tout ça, grâce à monsieur Lamarque-Cando qui a été un animateur extraordinaire, un homme d’une très grande générosité, quelqu’un qui avait une intelligence féconde et toujours au service des autres. Il disait toujours que il fallait aider le travailleur à accéder à la propriété du toit familial sans lequel évidemment la vie n’est pas la même.
Ludivine Tachon
Les familles de condition modeste accèdent à la propriété de maison individuelle. Le premier quartier 100% Castors Landais s’implante à Saint-Pierre-du-Mont, le succès et l’enthousiasme dépassent largement les espoirs des fondateurs.
Henri Dubic
Au début quand même, il y avait une certaine tendance à la méfiance. Ils se demandaient si ça allait marcher, s’ils pouvaient s’engager. Et alors donc, il a fallu quand même trouver les 38 premiers, quinze maisons isolées pour les 23 groupées ici, qui acceptent de faire construire dans ces conditions. Mais alors dès que les maisons ont été, sont sorties d’eau, qu'on a vu que le projet tenait, là, à ce moment là, ça a été l’enthousiasme et les gens sont venus s’inscrire. Evidemment il fallait que, bon, il y avait des centaines de personnes qui attendaient leur tour et puis ils étaient obligés d’attendre n’est-ce pas il y avait beaucoup de succès.
(Bruit)
Henri Dubic
C’étaient des maisons strictement, strictement identiques. Il n’y avait pas une prise de courant où même la plus petite chose n’existait pas, c’était tout le monde à égalité.
Ludivine Tachon
50 ans après, le Castor Landais est toujours d’actualité à Mont-de-Marsan. L’apparence de la maison a changé, la construction reste, quant à elle, traditionnelle et les prix défient toujours toute concurrence. Il faut compter environ 104 000 euros pour un F5 de 82 mètres carrés. C’est avec un cahier des charges très strict que les Castors Landais tirent les prix au plus bas.
Maïthé Berthod
Nous faisons toujours travailler les mêmes artisans, depuis déjà plusieurs générations, au moins deux ou trois, et nous faisons des maisons en série, le même plan répété, sur un même lotissement, et nous garantissons des paiements comptant. Ce qui fait qu’une unité de chantier, des plans identiques ou quasiment identiques et un paiement comptant qui évite des frais d’agios à la banque, c’est le résultat obtenu et que nous obtenons des prix très compétitifs.
Ludivine Tachon
Les temps ont changé. Ce sont de jeunes couples, des militaires qui choisissent de vivre dans des Castors. L’accession à la propriété pour un moindre coût décide bien souvent les futurs acquéreurs. Avoir la même maison que le voisin n’est vraisemblablement pas un obstacle.
Martine Saillard
Auparavant je suis allée quand même voir plusieurs constructeurs différents qui au niveau qualité-prix n’avaient rien de comparable avec les Castors Landais. Déjà parce qu’au niveau construction ils ne m’offraient pas du traditionnel pour le même prix, et puis en plus c’est vrai que les Castors Landais c’est quand même une maison livrée clé en main, où on peut poser les meubles, tout est tapissé, tout est terminé et c’est très familial. On est très bien accueilli, on est à l’écoute, ils nous conseillent vraiment très bien.
Ludivine Tachon
Pas de souci de travaux et pas d’aventure à la recherche d’un terrain constructible plutôt rare à Mont-de-Marsan, 37 euros le mètre carré. C’est aussi grâce au prix du terrain que les Castors Landais peuvent être très compétitifs.
Maïthé Berthod
Dans le domaine du terrain, nous faisons nos réserves foncières longtemps à l’avance, ce qui nous permet d’offrir des terrains à des prix très convenables.
Ludivine Tachon
Au fil des années les lotissements de Castors ont su s’imposer à la périphérie de Mont-de-Marsan. Incontournables, ces pavillons marquent profondément l’urbanisme de la ville. Il y a encore une dizaine d’années les Castors Landais construisaient une centaine de maisons par mois, le quartier de Barbe d’Or et ses 500 Castors est représentatif de l’engouement des Montois mais aussi des militaires de passage pour ces groupes d’habitations bon marché. Aujourd’hui les Castor Landais logent environ 10 000 personnes. C’est 30% de la population montoise. Les habitants des quartiers de Castors entretiennent toujours l’esprit de solidarité dans lequel a émergé le projet il y a 50 ans. Réunis dans une amicale, ils soutiennent les foyers en difficulté. L’expérience des Castors a été renouvelée dans plusieurs localités de la région, Mont-de-Marsan compte à elle seule 3000 Castors Landais. Aujourd’hui le Castor Landais s’est adapté aux besoins de modernité de la nouvelle génération de propriétaires. La tradition, elle, reste la même. Merci d’avoir suivi cette Aquitaine Première. Tout de suite votre journal régional. Bonne soirée !